Vie morale (1/3)

MOEURS DE LA FEMME

Comme c’était prévu et inévitable, la moralité fléchit, surtout celle de la femme.

Faits. Nombreuses sont les infractions pour ivresse, prostitution, outrage à la pudeur, excitations de mineurs à la débauche (1914-18).

Gourmandise (pâtisseries et rayons de volailles mis à sec au lendemain du paiement des allocations). Goût immodéré de la toilette (celle-ci souvent scandaleuse). Egoïsme : des jeunes filles ayant épousé des mobilisés avouent que « si un malheur arrivait, elles auraient une pension ». Sexualité, le séjour des divisions amène la présence ici de professionnelles dont l’exemple est pernicieux surtout pour les ouvrières. Dès 1914, on voit de celles-ci faire des « amis » dans les troupes de passage, les suivre ou les rejoindre dans leurs nouveaux cantonnements (Division marocaine, juillet 1915), même en abandonnant leurs enfants (août 1915). Des femmes cherchent à empêcher leur mari de venir en permission (dans un cas, le mari avait été blessé) ; d’autres s’éloignent de la ville dès que leur infidélité apparaît.

Drames passionnels. La constatation de l’adultère par le mari aboutit généralement à la séparation de fait, au divorce rarement.

Arrestation de faiseuses d’ange ; l’instruction révèle une vingtaine d’avortements (octobre 1916).

Recrudescence des maladies contagieuses. Création à l’hôpital d’un cabinet de consultations (1917).

Conclusions. La femme mariée, demeurée au foyer, sans protecteur, est exposée à toutes les surprises des sens. Tous ces régiments qui viennent au repos, entre deux batailles, ont l’instinct excité. Milieu éminemment favorable à la corruption. La continence de la femme affronte partout le désir exacerbé de l’homme. Et les hommes sont jeunes, entreprenants, parés de gloire, rendus plus séduisants par la mort qui les frôle. Ce sont des passants qu’on ne reverra plus, qui demain peuvent tomber. Parmi celles qui succombent, et il y en a dans toutes les « classes », quelques-unes ont l’excuse d’avoir voulu faire l’offrande d’une grande joie. Chez d’autres, ce dont d’elles-mêmes est peut-être une manifestation inconsciente de patriotisme.

Ce que nous disons des femmes mariées s’applique partiellement aux célibataires. Ici, la lutte morale a été presque nulle, dans la plupart des cas, le milieu, les circonstances n’ont fait que hâter, précipiter l’abandon féminin. L’opinion publique n’est pas hostile. Dans un pays où la vie s’éteint, on est indulgent au geste qui peut en rallumer le flambeau. Les mœurs sont des nécessité sociales.

De la conduite de certaines femmes pendant pendant la guerre, on peut, on doit s’attrister ; mais ce qui s’est passé est compréhensible. S’il en eut été autrement, nous n’aurions pas vécu dans l’humanité, c’est-à-dire au sein d’une animalité supérieure mais encore toute récente et qui ne peut se maintenir qu’à force de discipline.

La guerre a relâché tous les liens, elle a fait régresser certains êtres, incomplètement évolués, vers l’animalité tout court. Ce n’est, aussi bien, qu’une minorité. Toutes les autres femmes, douées d’une forte moralité, se sont encore enrichies moralement pendant ces années de guerre, dans le travail, le dévouement et le sacrifice qui ont suffi à l’expansion de leur activité.

Livre Montbéliard p.68-69