16 octobre 1915 : la guerre aérienne

Samedi, 16 octobre. A 9h35, un taube est aperçu dans le ciel montbéliardais à une très grande hauteur. Canonné par les forts, notamment par celui de la Chaux, il rebrousse chemin.

A 16h45, une canonnade lointaine recommence. On aperçoit au-dessus de l’hôtel de ville un taube qui en prenant de la hauteur se dirige vers le sud-est. Le fort de la Chaux et celui du Mont-Bart ouvrent le feu : l’avion est bientôt encadré de fumeroles.

Place st-Martin, près d’un groupe qui stationne à l’angle de la maison Louis Morel, un claquement sec retentit sur le pavé. Un employé de banque se baisse et ramasse un éclat d’obus de la grosseur d’une pièce de 5 francs, tout noir, aux arêtes brillantes, et qui sent la poudre fraichement tirée. Des débris de shrapnells tombent en même temps dans le petit jardin de la maison Morel et sur le toit du temple. Les curieux se réfugient contre la façade des maisons.

Et tout à coup, une voix s’écrie :

-encore un ! Encore un troisième !

Du haut du clocher de l’hôtel de ville, on aperçoit les taubes qui fuient dans le ciel entre la grange-la-Dame et la Chaux. Ils tournoient, se rapprochent et s’écartent, en s’éloignant. Dans la brume du soir, les obus qui éclatent font des points lumineux.

Pendant le bombardement, le jeune fermier de la Grange-la-Dame, qui travaillait dans les champs, s’est caché sous sa voiture pour éviter les shrapnells.

Des fragments d’obus ont été recueillis : avenue de la Prairie (près du Pont-Vert et sur la terrasse de M. Ferrand, aîné), place de la Gare, place Denfert, au canal et rue des Granges.

A ce dernier endroit, une dame a été blessée peu grièvement. Rue Cuvier, une jeune fille qui lavait une devanture a reçu un shrapnell dans les reins.

Les habitants, malgré les recommandations qui leur ont été faites et leur sont renouvelées, continuent à s’exposer aux éclats de nos propres projectiles ; la curiosité est plus forte chez eux que la plus élémentaire prudence.

Livre Montbéliard p. 212