La Déclaration de la guerre à la France

« Ordre de réquisition, le 31 juillet ; ordre de mobilisation, le 1er août ; déclaration d’état de siège, le 2 août ; mobilisation générale des travailleurs civils de 16 à 60 ans, le 3 août ; quels nouveaux devoirs, quelles obligations plus dures encore, la journée du mardi 4 août allait-elle nous imposer ?

A 17h, on vit mr Jean Fuhrer, employé à la mairie, descendre précipitamment les marches du perron.
Au coin de la rue de l’hôtel de ville, le tambour roula… Quelques coups de baguette seulement, car en un clin d’oeil toute la foule qui emplissait la rue se précipita, fit cercle autour du publicateur.

Et alors on entendit la voix de Jean Fuhrer, forte parce qu’il fallait qu’elel portât au loin mais méconnaissable tant elle tremblait d’émotion, proclamer la nouvelle, l’atroce et ignominieuse nouvelle :

Le maire de la ville de Montbéliard porte à la connaissance de la population la dépêche suivante du Ministère de l’Intérieur :
Ambassadeur d’Allemagne a réclamé ses passeports et a quitté Paris après avoir déclaré la guerre à la France…
On annonce ouverture des hostilités…

Le reste, on l’écouta sans comprendre. Puis soudain dans les ténèbres du cerveau cet éblouissement :

La flotte anglaise garantit la France contre la flotte allemande. Si la neutralité belge est violée l’Angleterre usera de toutes ses forces pour la faire respecter. La mobilisation de la flotte et de l’armée est ordonnée.

Enfin, devant le crime accompli, cette protestation, ce cri de volonté et d’indéfectible confiance, que jette le maire de Montbéliard à ses concitoyens :

Vivent à jamais la France et la République !

Les cœurs palpitent ; les gorges serrées, dans un semblable cri, heureuses, enfin se libèrent :
Vive la France !
Vive la République

Et la clameur monte, s’étend, suit à travers la ville les roulements du tambour dont le petit tapin a resserré les cordes…

L’Allemagne qui nous garde rancune de 1871 où elle a eu le tort de permettre à sa victime de se relever, l’Allemagne a résolu d’exterminer les hommes de France, en noyant l’Europe dans le sang.

Notre démocratie laborieuse, notre douce semeuse qui jette à tous vents la bonne semence française de justice et de liberté, voici que la lourde Germania casquée s’avance pour l’égorger.

Nous sommes révoltés et frémissants devant l’injuste agression. Nous irons, nous combattrons, nous vaincrons. nous défendrons notre sol pied à pied contre l’invasion barbare ; nous défendrons l’indépendance des peuples contre le militarisme prussien aspirant à l’hégémonie du monde ; nous défendrons la liberté de tous contre la domination d’un seul.
Notre cause est sainte.
Et la Russie est avec nous. L’Angleterre est avec nous.
L’Italie est neutre.
Et en même temps voici que se réveillent nos espoirs…
L’Allemagne elle-même vient de déchirer le traité de Francfort.
Il n’y a plus question d’Alsace-Lorraine.
Quarante-trois ans d’humiliation, d’un seul coup s’effacent.
Nous sommes avant 1870.
Une fierté nous redresse.
Nous sommes libres.
Et en pensant à Metz et à Strasbourg, nous nous souvenons que notre démocratie pacifique porte, comme le fameux cheval de Troie, un peuple de guerriers dans son sein…

La Nation armée est en marche. »

Livre Montbéliard p.23.24.25

3 août 1914 : Déclaration de l’état de siège

Le 3 août est en fait le jour de la déclaration de guerre de l’Allemagne à la France mais à Montbéliard l’information n’était pas encore arrivée, comme probablement dans d’autres villes de province.
Voici ce qui s’est passé pour les monbéliardais le jour du 3 août 1914.

« Ce jour-là les journaux firent défaut, jusqu’au 19 août à cause de la mobilisation.

Dans la matinée, on apprit des faits extrêmement graves.

La veille, à dix heures du matin, une patrouille allemande de chasseurs à cheval était entrée dans Joncherey. Un caporal du 44 ème régiment d’infanterie avait été tué par une balle allemande ; un officier allemand était resté également sur le terrain.
Les gens de la vallée disait que ce caporal qui appartenait à la compagnie du Lomont n’était autre que l’instituteur Peugeot.
Il y eut une grosse émotion en ville.

Les allemands sur notre territoire, les allemands répandant le sang des nôtres à quelques kilomètres de chez nous !…
Alors on se battait, la guerre était donc déclarée ?

Puis on se reprit à espérer. Du côté de Delle, l’Alsace et la Suisse sont porches. Les allemands qui, ainsi que nous, surveillent la frontière ont pu s’égarer, et les fusils dans la surprise d’une rencontre, partirent tout seuls.
Cette explication dictée par la logique des sentiments ne satisfait personne ; mais on l’accepte pour ne pas en trouver une pire…

Dans l’après-midi, un télégramme du préfet du Doubs informa les sous-préfets du département que l’état de siège était déclaré pour tout le territoire. sauf la Tunisie.
Ces mots »états de siège » firent une grosse impression sur la population en suscitant en elle de vagues images d’émeute et de massacre. Elle donne seulement le droit à l’autorité militaire de se saisir des pouvoirs dévolus à l’autorité civile pour le maintien de l’ordre et la police.

Elle investit en outre l’autorité militaire des quatre pouvoirs exceptionnels ci-après :
– perquisitions jour et nuit au domicile des citoyens ;
– éloigner les repris de justice ;
– ordonner la remise des armes et munitions ;
– interdire les publications et réunions jugées de nature à exciter ou entretenir le désordre.
En vertu de l’état de siège, le port des armes fut interdit aux particuliers et l’autorité militaire réglementa la circulation et tous les moyens de transports.

A 18h, la sous-préfecture communiquait à l’hôtel de ville un télégramme du ministère de l’intérieur.

Entre autres nouvelles, il nous apprenait que des détachements allemands avaient, sur quelques points, violé la frontière et razzié du bétail, notamment aux environs de Belfort.

Il nous apprenait également que le gouvernement italien avait notifié officiellement au gouvernement français la déclaration de neutralité de l’Italie.
Une grande joie exalta la foule à la publication de cette dépêche.

Les prussiens, cette fois, pouvaient venir, puisque l’Italie les abandonnait, puisque demain, peut-être, elle se rangerait à nos côtés et marcherait avec nous… »

Jules Armand BERTHIER : Soldat du 282ème régiment d’infanterie

Jules Armand BERTHIER est né le 14 avril 1884 à La Celle-saint-Cyr dans l’Yonne. Cultivateur et fils de cultivateur, il se marie le 13 janvier 1908 avec Juliette VADDE née le 9 juillet 1885 dans le même village.

Un premier enfant, André, nait de cette union le 21 mars 1909 et Suzanne rejoint la famille le 18 août 1910.

En 1904 il rejoint le régiment de Montargis pour effectuer ses classes jusqu’en octobre 1905.
Il entre dans la réserve active le 1er octobre 1908.

Lorsque l’ordre de mobilisation générale est donné, il est jeune marié depuis 6 ans et demi, père d’un petit René âgé de 5 ans et demi et d’une petite fille prénommée Odette  âgée de 4 ans.

Jean-Marie BENAS : 2 août 1914 : début de mobilisation pour le 235ème régiment d’infanterie

Jean-Marie BENAS est né le 11 août 1883 à Gueugnon en Saône-et-Loire. Fils d’ouvrier il travaille au sein de la Compagnie des Forges d’Audincourt en tant que “trempeur” d’acier.
Il se marie le 25 novembre 1909 avec Catherine MARCONNET avec qui il aura un fils, Jean, né le 13 mai 1910 à Audincourt.

Il arrive au corps le 15 novembre 1904 et devient soldat de 2ème classe avec le numéro matricule 5268, dans le 29ème régiment d’infanterie.
Il passe dans la disponibilité de la réserve le 12 juillet 1907 et obtient le certificat de bonne conduite “accordé”.

Lorsqu’il reçoit l’ordre de mobilisation, il a 31 ans, marié depuis presque 5 ans et père d’un petit garçon prénommé Jean âgé de 4 ans.

La campagne contre l’Allemagne débute : le 235ème régiment d’infanterie commence sa mobilisation le 2 août 1914 à la caserne de Rethenans à Belfort.

2 août 1914 : Ordre de Mobilisation des travailleurs civils

« La mobilisation a privé la presse des informations de la dernière heure. Le Petit Comtois, en raison des circonstances, n’a pu avoir de communication téléphoniques avec Paris. Il se borne à publier les télégrammes parvenus la veille, dans la journée : proclamation du kaiser, déclaration de l’état de siège en Allemagne.
Il annonce que les corps d’armées allemands se massent à la frontière française.

La vision des cohortes mécaniques hérissées de casques à pointe et dont on croit entendre le pas lourd derrière les Vosges, redouble l’anxiété des esprits.
L’Entente cordiale résistera-t-elle à l’épreuve ? Nos amis les anglais, ces pratiques marchands, n’étant point immédiatement intéressés dans le conflit, trouveront-ils au fond d’eux-mêmes, dans un sursaut d’indignation, l’idéalisme nécessaire pour nous tendre la main ?

Et l’Italie que fera-t-elle ? Si un frêle lien diplomatique l’attache encore aux empires centraux, on sait que le peuple est resté avec nous. Hier l’Italie désapprouvait l’ultimatum à la Serbie. On demeure confiant. On estime que jamais notre sœur latine ne participera à une agression contre nous.

La proclamation du président Pointcaré est maintenant affichée contre les murs.

Elle exprime, avec des qualité de sobriété, de précision et de clarté qui n’appartiennent qu’à notre langue, ce que chacun des Français, à ce moment solennel, depuis le savant à l’illettré, pense en lui dans sa raison, éprouvé dans sa conscience et ressent dans son cœur..
La mobilisation n’est pas la guerre, dit le chef de l’état. Elle apparaît comme un moyen, le meilleur pour « assurer la paix dans l’honneur ».

On applaudit à ce langage si digne, qui ne ferme pas tout à fait la porte à l’espérance. Et pourtant il ne désillusionne personne.

La journée du 2 août fût marquée par un gros événement. De grands placards portaient à la connaissance des citoyens un arrêté mobilisant tous les hommes valides de 16 à 60 ans, non soumis aux obligations militaires, pour compléter les travaux de défense de la place (terrassement et déboisement).
Esclaves du préjugé, bien des personnes, outre la répugnance qu’elles éprouvent pour le moindre effort musculaire, considèrent encore aujourd’hui le travail manuel comme une déchéance.
prendre une pioche, traîner une brouette, même pour la défense de leur patrie, parut à quelques-uns particulièrement dur et pénible.
Par contre, on rencontra des hommes qui, au lieu de se croire diminués par cette corvée, s’en trouvèrent grandis. Comprenant la beauté morale de l’acte qu’on exigeait d’eux, ils partirent avec joie.
Comme le paysan du poète anglais, au manche de leur outil ils avaient accroché une étoile. »

Livre Montbéliard p.15.16.17.18

Georges ROCHER : Soldat du 282ème régiment d’infanterie

Georges ROCHER est né le 24 mars 1883 à Béon dans l’Yonne. Fils de vigneron, il exerce la profession de cultivateur et se marie le 7 mars 1908 à La Celle-st-Cyr avec Emilienne RENAUD née le 16 novembre 1883 à La Celle-st-Cyr.

De cette union naîtra un seul enfant le 5 janvier 1909, une petite fille prénommée Raymonde.

Devant faire ses classes en 1903 il est ajourné une première fois en 1904 puis une seconde fois en 1905 pour cause de faiblesse physique.
Mais en 1906 son état est jugé suffisamment bon pour qu’il puisse rejoindre le 89ème régiment d’infanterie le 7 octobre.
Il passe dans la disponibilité de l’armée active le 12 juillet 1907, dans la réserve active le 1er octobre 1907, dans l’armée territoriale le 1er octobre 1917, dans la réserve de l’armée territoriale le 1er octobre 1924 et libéré définitivement le 1er octobre 1932.

Lorsque l’ordre de mobilisation est donné, il a 31 ans, marié depuis 6 ans et père d’une petite fille de 5 ans et demi.

Centenaire 1914-1918 / 2014-2018

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