« Montbéliard. La cour de la gare, à partir de 18h, est noire de monde. Il fait une chaleur lourde ; dans l’air immobile, la fumée d’une locomotive se traine, jaunâtre, puante et lugubre.
Mr Léon Parrot, ancien maire de Montbéliard et conseiller d’arrondissement, descend du train qui doit arriver de Belfort à 18h48 mais qui a un sensible retard.
Il est ému, très pâle.
– Les allemands viennent de couper la ligne du chemin de fer à Montreux-Vieux… Ils ont supprimé les rails sur un long parcours… Ils se sont emparés de trois locomotive de la compagnie de l’Est qu’ils ont dirigées à l’intérieur… A Belfort, on dit que « ça y est ». Ah ! Les bandits…
Un pli est apporté au maire à 19h40 parle brigadier de police Mougenot.
C’est l’arrêté concernant la réquisition, première étape vers la mobilisation…
Ceux qui savent ont compris.
Le document ne porte aucune date ; il est ainsi libellé :
République Française
Subdivision de Région de Belfort – Commune de Montbéliard
Arrêté de Réquisition
Le Ministre de la Guerre,
Vu la loi du 3 juillet 1877 relative aux réquisitions militaires;
Vu le décret du 2 août 1877, portant règlement d’administration publique pour l’exécution de la loi sur les réquisitions militaires et notamment de l’article 2 dudit décret,
Arrête :
Le droit de réquisition est ouvert dans la commune de Montbéliard, à partir du 31 juillet 1914
Le Ministre de la Guerre
Départ de la garnison pour la frontière ; ouverture du droit de réquisition dans la ville de Montbéliard ; un troisième élément allait être fourni à l’opinion pour l’entrainer vers un pessimisme sans rémission.
Autour de 20h, on vit les facteurs quitter précipitamment la poste, et courir de maison en maison… Ils distribuaient les ordres de convocation individuelle appelant réservistes et territoriaux sous les drapeaux.
C’était la mobilisation partielle.
Des voitures arrivent, bondées de mobilisés, de parents et d’amis qui leur font la conduite jusqu’à la gare. Des bandes montent la rue Cuvier, les hommes se tenant par le bras derrière un drapeau qui flotte. Le chant des Girondins éclate sur la foule où passe un frisson :
Par la voix du canon d’alarme
La France appelle ses enfants…
Elle les appelle de la ville et des campagnes et tous, pauvres e riches, citoyens de tous âges et de toutes conditions, ils accourent à la voix de la Patrie menacée. »