Une réflexion sur « 10 novembre 1914 »

  1. 10 novembre 1914. Courmelles

    Je suis retourné à Sermoise. Je m’y plais dans ce pays où les habitants ont des burnous, des turbans, et ne parlent pas français. Les Marocains qui cantonnent là sont déjà tous mes amis : quand ils me voient arriver je les entends crier : «Toubib, toubib !…» Et aussitôt il en sort de tous les coins. Ils m’entourent. Ils veulent être photographiés. Je me contente pour aujourd’hui de photographier un tirailleur nègre qui se promène dans le village un casque à pointe sur la tête. Devant mon appareil il est assez inquiet. Il proteste : « Moi, pas boche !… Moi, pas boche !… »

    La fusillade crépite de l’autre côté de l’Aisne, vers Missy. Ce n’est pas sérieux : des coups de feu isolés. Les canons tirent très peu. En somme pas d’action pour le moment sur l’Aisne : il faut dire qu’avec l’épais brouillard qui règne dans la région depuis que nous y sommes arrivés l’artillerie ne peut pas faire grand-chose.

    Pour moi, je m’en réjouis : grâce au brouillard je puis m’approcher des lignes sans attirer sur ma culotte rouge une marmite de 105.

    Je suis revenu par la grand’route de Soissons à Reims, j’ai traversé Soissons à la nuit : c’est l’heure où quelques fantômes osent s’aventurer dans les rues sonores : on les voit glisser sur le trottoir, en longeant les murs, comme si le bruit de leurs pas pouvaient réveiller les canons endormis.

    Maurice Bedel « Journal de guerre 1914-1918 »

    http://www.nrblog.fr/centenaire-14-18/2014/11/10/10-novembre-1914-je-suis-retourne-a-sermoise/

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