Sous un froid de glace nos troupiers creusent des tranchées, enchevêtrent des fils de fer sur le plateau de l’Arbre de Bourges.
Sur le plateau, de l’autre côté de l’Aisne, les Allemands en font autant…
La guerre peut durer comme ça tout l’hiver, sur l’Aisne.
Nous coupons la journée en déjeunant chez un mastroquet de Septmonts. Nous nous régalons avec du corned beef oublié là par les Anglais et avec du pâté de lièvre, confectionné par la patronne, Madame Potvin.
Vers 3h, après avoir visité une carrière dans laquelle nous nous sommes longuement perdus – perdus jusqu’à la sensation de petite angoisse- nous enfourchons nos bicyclettes, le capitaine Gresser et moi et nous rentrons à Courmelles en passant par Soissons, histoire de varier le terrain. Le canon tonne violemment de ce côté-là. Nous traversons le faubourg de Reims. Ca tonne tout à coup excessivement. – « Ce sont nos pièces qui tirent, affirme le capitaine. » – « Vous croyez, mon capitaine ? »
Sur la route qui sort au sud de Soissons nous croisons des femmes portant des ballots sous le bras et poussant des voitures d’enfants chargées de linge : « Où allez-vous, donc ? – Ouh ! Monsieur, ces cochons-là bombardent à nouveau la ville… Ils envoient des obus sur la rue St Martin et sur le faubourg de Reims… Y a monsieur Simon, le faïencier, qui vient d’être tué… Et puis devant la poste il y a deux militaires et un civil de tués… Et puis, vous savez, le fils à Madame Michon, çui qui boîte, il a un bras emporté…»
Très bien ! Voilà que ça recommence, après quinze jours de tranquillité.
Mais là-haut, au-dessus de Vauxbuin, nous voyons les langues de feu de nos 75, qui répondent avec rage, tapis au coin d’un petit bois de pins…
21 novembre 1914. Courmelles
Sous un froid de glace nos troupiers creusent des tranchées, enchevêtrent des fils de fer sur le plateau de l’Arbre de Bourges.
Sur le plateau, de l’autre côté de l’Aisne, les Allemands en font autant…
La guerre peut durer comme ça tout l’hiver, sur l’Aisne.
Nous coupons la journée en déjeunant chez un mastroquet de Septmonts. Nous nous régalons avec du corned beef oublié là par les Anglais et avec du pâté de lièvre, confectionné par la patronne, Madame Potvin.
Vers 3h, après avoir visité une carrière dans laquelle nous nous sommes longuement perdus – perdus jusqu’à la sensation de petite angoisse- nous enfourchons nos bicyclettes, le capitaine Gresser et moi et nous rentrons à Courmelles en passant par Soissons, histoire de varier le terrain. Le canon tonne violemment de ce côté-là. Nous traversons le faubourg de Reims. Ca tonne tout à coup excessivement. – « Ce sont nos pièces qui tirent, affirme le capitaine. » – « Vous croyez, mon capitaine ? »
Sur la route qui sort au sud de Soissons nous croisons des femmes portant des ballots sous le bras et poussant des voitures d’enfants chargées de linge : « Où allez-vous, donc ? – Ouh ! Monsieur, ces cochons-là bombardent à nouveau la ville… Ils envoient des obus sur la rue St Martin et sur le faubourg de Reims… Y a monsieur Simon, le faïencier, qui vient d’être tué… Et puis devant la poste il y a deux militaires et un civil de tués… Et puis, vous savez, le fils à Madame Michon, çui qui boîte, il a un bras emporté…»
Très bien ! Voilà que ça recommence, après quinze jours de tranquillité.
Mais là-haut, au-dessus de Vauxbuin, nous voyons les langues de feu de nos 75, qui répondent avec rage, tapis au coin d’un petit bois de pins…
« Maurice Bedel Journal de guerre 1914-1918 »
http://www.nrblog.fr/centenaire-14-18/2014/11/21/21-novembre-1914-sous-un-froid-de-glace-nos-troupiers-creusent-des-tranchees/