Archives de catégorie : Montbéliard à travers la Grande Guerre

L’agriculture en 1914 – Octobre

Frais, pluvieux. Vents du N.-E. La température se relève dès les premiers jours, redescend à partir du 5 et avoisine plus ou moins la moyenne jusqu’au 27.

Denrées récoltées sur le territoire de la commune

Seigle, 96 quintaux

Blé, 460 quintaux

Avoine, 324 quintaux

Pommes de terre, 175 quintaux

Livre Montbéliard p.72

Vécu de la mort et du deuil pour « l’arrière »

En août, les premiers deuils avaient mis leurs crêpes dans nos rues. D’abord on remarqua les silhouettes voilées des femmes (dont  mon arrière-grand-mère à Audincourt), on s’écartait par respect du sillage douloureux ; puis il y eut tant de mères, d’épouses, de fiancées et de sœurs atteintes dans leurs affections, que la physionomie des rues s’assombrit et que les femmes épargnées prirent elles-mêmes le deuil par délicatesse nationale, pour ne pas, avec une toilette claire, dans tout ce noir, faire une tache.

La mort des civils autour de nous laissait notre sensibilité à peu près indifférente. C’est une connaissance, une notion intellectuelle qu’on acquiert ; elle n’a plus de résonance en nous.

On laisse les morts enterrer les morts. Tout reste étroitement enfermé dans le cercle familial.

Il y a trop d’hommes qui tombent à toute heure sur les champs de bataille pour qu’on ressente une émotion devant un cas de mort naturelle, quels que soient l’âge, le sexe, les sympathies dont le défunt est entouré.

Notre sensibilité se réserve tout entière pour les deuils de la patrie. Chaque fois qu’un Montbéliardais inconnu meurt aux armées, c’est un deuil collectif.

Livre Montbéliard p. 47-48

Septembre 1914 (suite)

Puis ce furent les inoubliables journées de septembre, l’offensive générale du 6 où le général Joffre donna l’ordre aux troupes « de se faire tuer sur place plutôt que de reculer ».

Le 8, les Alliés forcent le passage du Petit-Morin. Les allemands cèdent à l’aile gauche. Des combats acharnés se livrent entre la Fère-Champenoise, Vitry-le-François et la pointe sud de l’Argonne.

Le 9, les anglais passent la Marne et poursuivent les allemands vers le nord. Les français sont vainqueurs sur l’Ourcq et à Montmirail.

Le 10, la Garde prussienne est refoulée au nord des marais de Saint-Gond.

Le 11, le centre allemand plie à Sézanne.

C’est le reflux de la vague ennemie derrière l’Aisne et au nord de Reims. C’est la grande victoire de la Marne où notre armée a sauvé la France et la civilisation.

Au fur et à mesure que les bonnes nouvelles nous parvenaient, c’était comme un sang nouveau qu’on transfusait dans nos veines. On respirait, on se détendait, on se dilatait. On se rendait compte, maintenant qu’il se dissipait, de l’affreux cauchemar où tant de jours nous avions été plongés, où nous ne mangions plus, où nous ne dormions plus. On renaissait à la vie, on y retrouvait du prix, on voulait vivre pour acclamer la victoire complète et décisive.

Livre Montbéliard p.45.46

Septembre 1914

Le 2 septembre nous apprenions que l’ennemi approchait de Compiègne ; le 3, que le gouvernement se retirait à Bordeaux. Les jours qui suivirent furent pour nous les pires jours. Les allemands marchaient sur Paris.

Paris tiendrait-il ? Oui, nus étions sûrs qu’il se défendrait jusqu’au bout. Et puis, Paris tombé, Paris détruit, il restait encore la France pour lutter aussi longtemps qu’elle pourrait armer un soldat.

Il y avait une telle excitation dans les esprits, une telle élévation des âmes, qu’on n’envisageait dans tous les milieux qu’une alternative : être vainqueurs ou nous faire tuer jusqu’au dernier.

Une seule chose que l’on était d’accord pour refuser d’admettre, c’était la défaite. La disparition du peuple français nous paraissait moins dure que son asservissement.

Du reste, les succès remportés par nos alliés russes dans la Prusse orientale et en Pologne autrichienne nous réconfortaient en nous rappelant que nous n’étions pas seuls aux prises avec l’ Allemagne, et en nous empêchant de donner aux événements militaires de notre front une valeur absolue.

Livre Montbéliard p.44-45

L’agriculture en 1914 – Septembre

Chaud au début, froid ensuite, moyennement humide. Vents dominants du S.-O. La température, plutôt élevée du 1er au 11, baisse légèrement vers la deuxième décade, puis période de froid à partir du 20. Pluie : 120 m/m en 12 jours à Montbéliard.

Le 1er septembre, la municipalité mit l’embargo sur les bovidés existant dans la commune (174), de manière que l’autorité militaire ne pût s’en emparer sans son intervention et nous laissât les vaches laitières indispensables à l’alimentation des nouveau-nés et des malades.

Livre Montbéliard p.71

La Somme !

Lorsque dans la matinée du 29 août, on apporta le télégramme officiel à l’hôtel de ville, il y eut un mouvement de stupeur.

« La situation de notre front de la Somme aux Vosges – disait le télégramme – est restée aujourd’hui ce qu’elle était hier. Les forces allemandes paraissent avoir ralenti leur marche ».

Le maire se précipita au téléphone.

– La Somme ?… Une erreur, sans doute ? On a voulu dire la Sambre ?

La sous-préfecture ne put que confirmer le télégramme. C’était bien de la Somme dont il s’agissait.

Dans le salon de l’hôtel de ville, où les travailleurs des autres salles étaient accourus, on se regardait sans parler, la gorge serrée. Sur une carte physique de la France fixée au mur, on contemplait la portion du territoire national envahi. Puis on se reprit dans un effort et chacun retourna à sa besogne. Mais lorsque, dans une salle, on se rencontrait, les yeux s’interrogeaient et les mêmes paroles venaient aux lèvres :

– La Somme ! Est ce que cela est possible ?

Livre Montbéliard p.44

La classe 1914

Les jeunes gens de la classe 1914 qui avaient passé le conseil de révision le 17 février 1914, reçurent quelques jours après la déclaration de guerre leur ordre d’appel.

La classe 1914 quitta notre ville le 20 août, grave et résolue au milieu de l’effervescence des opérations de mobilisation et de concentration, ayant conscience de la grande tâche que le destin lui donnait à remplir.

Liste des jeunes gens de la classe 1914 (87 hommes dont 7 engagés volontaires)

Arbey Louis-Justin-Georges, employé de chemin de fer ;

Armbruster Godefroy-Georges-Ch., maître-répétiteur ;

Bandelier Paul-Eugène, navetier ;

Barbier Robert-Daniel-Edouard, mécanicien ;

Bau Charles-Louis Albert, menuisier ;

Begin Pierre-Frédéric-Marcel, employé de banque ….

Livre Montbéliard

Brassards

« Ils poussèrent les premiers jours d’août, comme des champignons après une pluie d’orage, épanouissant dans nos rues leur floraison hâtive, innombrable et multicolore.

Le brassard était un signe distinctif octroyé à certains agents mobilisés dans leurs fonctions et destiné à leur en faciliter l’exercice.
Il remplaçait l’uniforme.

Aux civils, mobilisés ou non, qu’employait l’autorité militaire, il donnait un caractère officiel et apparent à leur mission.

Nous connaissions depuis longtemps les brassards des officiers de l’Etat-major. La grève des cheminots en automne 1910,nous avait révélé les brassards de mobilisation des employés de chemins de fer.

Il fallait la guerre pour nous familiariser tout à fait avec leurs couleurs et nous initier à leur langage conventionnel.

Service de la traction en rouge, voie et entretien en jaune, exploitation en blanc. La couleur rouge se portait beaucoup. Elle était adoptée par l’administration des contributions indirectes qui la chargeait des lettres C.I, et par le service des Automobiles qui n’y inscrivait qu’une seulle lettre, un A majestueux.

Les Postes et Télégraphe étaient en bleu et les membres des commissions de ravitaillement portaient un brassard blanc et vert ; et aussi le brassard vert des gardes civils.

Il y avait surtout le brassard blanc à croix rouge des services de santé. Il sévit particulièrement dans la période où le gouvernement de Belfort réquisitionnait des travailleurs de 16 à 60 ans pour la mise en état de la défense de la Place.
C’est ce moment qui vit éclore chez nous le plus grand nombre de vocation sanitaires. Que d’infirmiers, que de brassardés se réclamant de la croix rouge !

Cette épidémie du reste , ne fut pas spéciale à Montbéliard. On prit partout des mesures en vue de l’enrayer comme d’y apposer le sceau de la ville mais c’était insuffisant.
Une décision ministérielle exigea sur les brassards de la convention de Genève l’apposition du sceau du ministère de la guerre.

Vers la fin août, les brassardés auxquels on avait cessé de faire attention obtinrent auprès de la foule un regain de faveur. Ils étaient devenus remarquables par leur petit nombre. »

 

Livre Montbéliard p.32.33

8 août 1914 : Prise de Mulhouse

« La prise de Mulhouse le 8 août 1914 fut connue à Montbéliard le lendemain.
La banque de Mulhouse, place St-Martin, arbora à ses fenêtres les couleurs de l’Alsace.

Il y eut en ville une grande flamme d’enthousiasme. Quarante-quatre ans s’effaçaient ; nos désastres de 1870-71, nos humiliations ultérieures, tout cela était oublié. Et pourtant Strasbourg et Metz, au loin, apparaissaient formidables. Il n’importe. C’était le commencement de la revanche, une revanche qu’en nous mettant l’épée aux reins, l’ennemi nous forçait lui-même à prendre.

Un immense espoir dilatait les cœurs, accroissait le courage des citoyens qui, n’étend pas aux armées, coopéraient à la défense nationale. »

Livre Montbéliard p.43

8 août : Mesures contre l’espionnage, suite.

« Le 8 août, les prescriptions devinrent encore plus sévères. Toute circulation routière de18h à 6h fut interdite aux automobiles et autres véhicules, même aux voitures postales et à celles appartenant aux services publics.

La même interdiction était faite aux piétons. Seul, le personnel militaire eut l’accès des routes la nuit en justifiant de sa qualité et d’une mission de service.

Ici se place un incident qui montre les difficultés et les ennuis que les entraves apportées à la circulation causèrent à la municipalité. Presque tous les médecins ayant été mobilisés, les malades de communes voisines se trouvèrent, au commencement d’août, privés de soins médicaux. La préfecture demanda à l’administration communale si elle en pourrait pas mettre à la disposition de ces communes quelques docteurs dégagés de toutes obligations militaires. Messieurs les docteurs Tuefferd père et Jules Vesseaux s’empressèrent, par dévouement, d’accepter ce nouveau service mais ils furent bientôt dans l’impossibilité de le continuer, l’autorité militaire exigeant une carte de circulation spéciale pour leurs voitures. »

Livre Montbéliard p.178.179